BIENVENUE sur le site de Gaëtan Deschamps, Auteur, Interprète... Parolier pour Pierrot Soleil, Le P'tit Son, P.M.E, Badegna Foli
27 Septembre 2019
Carotte, pas carotte ? (histoire d’un débat tronqué sur la gratuité des transports à Rennes Métropole)
Moi Gaëtan Deschamps, citoyen rennais en situation de handicap, mercredi 25 septembre 2019, je me suis rendu à titre personnel à un café citoyen ayant pour titre : « La gratuité des transports, pour ou contre ? ».
J’en retranscris ici la teneur, sous forme de billet d’humeur.
Contexte :
Ce débat était organisé au café le Panama par l’association : « Le café citoyen des quartiers Sud de Rennes ». En cette période de campagne pour les élections municipales, la question suscite intérêt écologique, mais peut-être aussi électoral… Dans un article du Télégramme daté du 29 mai Nathalie Appéré, actuelle maire de Rennes, se dit ouverte au débat sur la gratuité des transports.
Un autre article de Ouest France daté du 31 mai 2019 nous dit : Pour les Rennais la gratuité des transports : « c’est un grand Oui ». Qu’en est -il vraiment ? Réelle volonté ou chimère électorale sur fond de municipales ?
Préambule et mise en garde :
Si je me suis rendu à ce débat, c’est parce que sans être un écolo exemplaire, il faudrait être stupide pour ne pas se rendre compte que l’urgence climatique fait plus que frapper à nos portes. Il faudrait être stupide pour ne pas y voir une corrélation avec l’usage intensif de la voiture. En cela la gratuité des transports urbains me semble un argument de poids pour inciter les gens à laisser leur véhicule au garage quand le contexte y est favorable. Mais par souci d’honnêteté envers celles et ceux qui vont me lire, je dois avouer qu’au-delà des enjeux écologiques que cela soulève, il y a pour moi et pour d’autres personnes à mobilité réduite, un intérêt bêtement pratique.
Le 24 février 2015, le conseil de Rennes Métropole, présidé par Emmanuel Couet, a entériné définitivement la mise en place de portillons de contrôle, mettant ainsi les usagers en situation de handicap dans de sérieuses craintes quant à leur autonomie. Pour certaines personnes dont les membres supérieurs sont touchés, le geste de validation du titre de transport est impossible, condamnant de ce fait les usagers concernés à rester sur le quai. A l’époque, Emmanuel Couet m’avait reçu avec Jean Jacques Bernard (vice président en charge des mobilités et des transports). Cette rencontre était l’occasion pour les élus d’exposer le déroulement des travaux, mais à aucun moment je n’ai été rassuré sur la crainte principale : le geste de validation.
Je ne suis pas dupe, les travaux de mise en place de portillons ont déjà commencé à la station Kennedy. Chaque trace de travaux sur le métro, me rend parano et con, m’empêchant de savourer l’instant présent. Mais, lueur d’espoir, la gratuité pointe le bout de son nez ! Mais aussi, qui dit gratuité des transports, dit abandon des portillons. C’est fort des signes d’ouverture sur le sujet que je me rend à ce café citoyen, avec l’infi(r)me espoir de voir bouger les lignes.
Je tiens encore à nouveau à remercier le patron du Café, Christophe et son épouse Christelle, qui ont fait encore une fois le maximum dans un délai très court pour me rendre le lieu accessible avec mon fauteuil roulant électrique. Christophe a, comme il a pu, fabriqué une rampe d’accès. J’ai ainsi pu assister au débat et ne pas être exclu comme un citoyen de seconde zone. Si j’ai pu être présent, c’est grâce à la bienveillance d’un patron, mais aussi à mon caractère conciliant de :
« c’est pas grave, on se débrouille », à mon refus de vouloir forcément stigmatiser les carences. Mais ce trait de caractère n’est et ne doit pas forcément être la norme. Organiser un café citoyen dans un lieu non accessible aux personnes à mobilité réduite est tout simplement ubuesque, surtout quand le sujet du débat touche à la mobilité. J’attire donc ici l’attention et la clairvoyance des organisateurs de ou du débat.
Avec la présence politique et intellectuelle de :
Ce que nous pensions être un débat pour ou contre la gratuité des transports urbains, n’était qu’en fait, selon moi, un exposé qui démontrait pourquoi la gratuité n’était pas viable pour cette métropole. En gros : « Écoutez-nous, nous avons raison ! Vous avez tort ! »
Armés de leurs convictions bien enfermées dans le crâne, les deux invités masculins du débat, ont listé leurs arguments. Les voici ci-dessous énumérés de manière la plus objective possible.
Leurs arguments sont les suivants :
C’est l’argument étendard de monsieur Jean Jacques Bernard. Dans l’enquête sur le Plan de Déplacement Urbain auprès des habitants de Rennes Métropole, les habitants réclameraient d’abord un service de qualité avant la gratuité. Une personne du public a fait remarquer à notre cher élu que l’enquête en question a eu lieu pour grande partie durant la période estivale, du 19 août au 20 septembre. Quoi de mieux pour passer inaperçu, aux yeux des citoyens. Citoyens peut-être procrastinateurs, mais élus prestidigitateurs.
Les principaux arguments des pro gratuité :
Armé de ses arguments plus que tenaces, l’auditoire a bien tenté de faire vaciller les princes, je voulais dire les principes, pardon.
Rien n’y fait, les statuts et statures sont indéboulonnables.
Mon intervention :
Je décide de prendre la parole, je sais déjà que mes émotions sont à fleur de peau, que ma voix que j’arrive à dompter quand je suis sur scène, va cette fois-ci me narguer en se faisant plus essoufflée et stressée. L’enjeu est trop important. Je serai peut être ridicule, mais tant pis.
J’expose, j’exhibe ma carte Korrigo, en relativisant un peu, c’est vrai, je bénéficie déjà de la gratuité. Après tout de quoi je me plains ? Ben, je me plains des portillons dont la gratuité annulerait de fait les raisons déjà évoquées. Allez monsieur Bernard, lâche donc un peu du lest, ton équipe se dit prête à réfléchir, alors vas-y champion : réfléchis !
Mais comme à son habitude, le mépris habituel, qui caractérise monsieur Jean Jacques Bernard sur cette question, le petit mépris me dit donc que tout avait été vu, pensé et bâti en collaboration avec les associations, qu’il y avait eu des tests de réalisés. En gros, cela va être du sur mesure, même pour le geste de validation.
Je suis projeté dans les cordes, il m’assène encore que :
- Si je nie la représentativité des associations liées au handicap, c’est mon problème, je suis dans l’erreur la plus totale…
Alors je rétorque que :
- Toutes les personnes en situation de handicap ne sont pas forcément en lien avec des associations ou ne se sentent pas forcément bien représentées par ces dernières.
- Que si justement, nous n’avions rien à craindre, il aurait peut être été intelligent de faire part au plus grand nombre d’entre nous des garanties d’accessibilités.
Impossible selon lui. Possible selon moi, en s’appuyant sur la base de données des abonnements Korrigo ou encore avec les usagers Handistar.
Seule réponse : Contactez les associations.
Les associations parlons en…
Un collectif muet envers celles et ceux qu’il représente :
Aujourd’hui la dite association, le Collectif Handicap 35, ne laisse passer aucune information sur l’avancée de cette problématique. J’avais pourtant assisté à une réunion avec eux et les élus le 30 novembre 2016. Le collectif avait même repris nos idées. J’ai un mauvais goût dans la bouche, celui d’avoir été utilisé, comme un fusible que l’on fait sauter.
Depuis plus rien, soit presque 3ans de silence, plus une information ne m’est parvenue. Le collectif est aussi là pour nous rassurer, il n’en est malheureusement rien. Dès lors je ne peux m’appuyer sur aucun élément tangible, seulement des promesses, de jolies paroles.
Peut-être qu’il est efficace ce collectif, peut-être que je m’inquiète pour rien. Mais de grâce qu’il communique mieux ! Qui sait, peut-être même que je deviendrai pote avec Jean Jacques Bernard. Car reconnaissons lui au moins le courage de ne pas céder sur ses principes. Mais il pourrait aussi avoir le courage d’essayer le principe de gratuité, juste pour tester.
Je ne demande qu’à me tromper, mais je cherche encore les garanties de mon erreur.
Que faire ?
À vrai dire, je suis dépité, car à part une poignée d’irréductibles à roulettes, il est impossible de mobiliser la « communauté ». Pourquoi ? Je n’ai pas forcément de réponse.
Je suis tiraillé entre la passivité des associations représentatives et le radicalisme clivant de certains, radicalisme qui a cependant l’indéniable élégance d’être fier.
Car oui, entre nous se posait la question de participer à ce débat, voire de le faire annuler aux vues de l’inaccessibilité des lieux. Je le redis encore, je ne suis pas de ceux là, j’opterai toujours pour une accessibilité même imparfaite d’un lieu, si cette dernière est compensée par de l’entraide et de la chaleur humaine. Mais je peux aisément comprendre un besoin de radicalité forte, car les accumulations d’indifférences, ça énerve…
Quant au mépris politique, il me plonge dans une terrible affliction, une affliction qui grandit encore plus quand je vois le sort réservé aux migrants. Sans le secours d’un collectif d’humanité et de bonne volonté, ces gens seraient livrés à eux-même, face à une politique locale trop timorée.
Alors moi, c’est une miette de tracas ma mobilité. Au final on pourrait me dire que ce n’est pas grand chose, juste un caprice d’enfant gâté.
N’agitez pas de carottes électorales le son de vos promesses, nous ne transforme pas en âne.
Vous ne reviendrez pas sur la gratuité, c’est entendu. Merci d’assumer votre honnêteté !
En attendant, l’urgence climatique est à nos portes. Mais les portes vous refusez de les ouvrir. On brulera enfermés avec l’extincteur de la gratuité, bien caché dans vos principes.
A la beauté des rêves, à la mélancolie, à l’espoir qui nous tient.
GAETAN DESCHAMPS